• Cameroun : La résidence privée de l’ancien Président pillée

    Matériaux volés, poteaux électriques vandalisés, dépendances transformées en ferme par les nomades, la résidence privée de l’ancien chef de l’Etat du Cameroun n’est plus que l’ombre d’elle-même.

    Cameroun : La résidence privée de l’ancien Président pillée

    Après la traversée de la ville de Guider, le visiteur qui va pour la première fois à Mayo Oulo, est loin de savoir que devant lui, se dresse une espèce de forteresse abandonnée par les hommes et le temps. Mais dès l’entrée de la ville pour les citadins et du village pour les natifs, le développement que l’histoire a imposé à cette localité n’a pas connu d’usure par le temps comme ailleurs. La ville est recouverte de macadam jusque dans les quartiers lointains. Les infrastructures construites il y a plus de 3 décennies se dressent fièrement et semble tant bien que mal résister au temps. Bâtiment administratifs  puant toute leur splendeur, quartiers bien tracés et le réseau d’eau certainement le plus organisé après celui de la ville de Garoua.

    Ce qui frappe ici et qui reste une fierté, c’est qu’on est dans le village du premier Président du Cameroun, El Hadj Ahmadou Ahidjo de regretté mémoire. Tout le monde, même ces enfants qui sont nés plusieurs décennies après sa mort, connaissent le chemin qui mène à sa résidence privée. Au doigt pointé, le visiteur pétille déjà d’envie de s’y rendre car se laisser raconter en langue locale qu’est le Fufulbé, ressemble bien à une légende qu’on se laisse compter au crépuscule d’un sommeil que façonne Morphée dans une salle attenante. Mais en fait, on donne l’impression ici de vivre presque dans l’âme, un développement au gout achevé.

    Ce qui frappe le plus sur les 6km qui séparent le centre-ville de Mayo-Oulo dans la région du Nord à cette résidence, ce sont entre autre le train du développement qui s’est précocement arrêté de part et d’autre de ce goudron, ce poteau électrique, ou l’autre qui jadis portait le drapeau du Cameroun, qui indique qu’il y a un passé pas très lointain, le cœur du pays battait par moment ici. Ou encore, ces sacs de coton brut abandonnés dans les champs à l’attente sans doute d’un moyen de locomotion vers le centre de collecte situé non loin de là. Les 15 hectares de verger  aux 2 000 têtes de bœufs de l’ancien président n’a que gardé des arbres dépourvus de fruits et par endroit, de feuilles. Il souffle certes ici un vent de sécheresse par ce mois de mars, cependant, même les saisons pluvieuses successives, n’ont pu avoir l’audace de reconstituer ce que ce verger a connu lors de ses plus beaux jours qui ont progressivement connu leur fin vers les années 1982.

    Au loin, on peut déjà apercevoir ladite résidence qui se dresse majestueusement devant une grotte, entouré de champs d’arbres parsemés. Son caractère pittoresque de fortune donnerait une occasion unique au touriste, mais le coin pu l’abandon. Seuls quelques gardiens rémunérés par la mairie locale et leur famille occupent une grande maison à l’arrière du grand décor. "C’était les bureaux du président quand il venait ici" nous indique l’un des guides, descendant d’un des proches d’Ahidjo. Sous les vérandas, ont peu apercevoir  deux larges trous comblés de sable. "Ici (à droite Ndlr) c’est où le président faisait ses prières" et "là-bas (à gauche Ndlr) c’est où le gouverneur Ousmane Mey faisait sa part" nous renseigne notre hôte. Cette grande maison, dit-on ici, servait aussi de maison d’hôtes. Pour les plus âgés, ils affirment avoir vu plus de 6 chefs d’Etat d’Afrique et de France passer la nuit ici. On cite entre autre : Mubutu ancien homme fort de l’ex-Zaïre, mais aussi un président français et d’autres ministres influents du pré-carré français en Afrique.

    En face, la grande maison inaccessible. Bien bâti on dirait la plus belle maison du village, mais perdue dans une savane arborée. Elle est d’ailleurs inaccessible parce que dit-on, "il y a les abeilles et les guêpes un peu partout et la maison est dangereuse". Tout comme s’y cachent aussi, d’autres insectes et animaux qui ne sont pas des "amis" de l’homme. Ces nouveaux propriétaires selon les témoignages recueillis dictent leur loi aux visiteurs et la solution trouvée, c’est d’avoir barricadé les différentes entrées.

    Mais l’escalier principal reste la seule voie d’accès jusqu’à la véranda-avant. Un endroit chargé lui aussi d’histoire à en croire les multiples témoignages du coin. "C’est dans cette maison qu’il (le premier président du Cameroun, Ndlr) a passé sa dernière nuit au Cameroun" nous apprend-on. D’autres témoignages sur place vont plus loin en susurrant que "c’est au pied de ces escaliers qu’il a dit aurevoir aux siens en leur disant que je pars comme ça, je ne sais pas de quoi le lendemain est fait, le Cameroun prend un autre tournant à mon égard". Et d’ajouter à la multitude de personnes ressemblées ce jours-là dans la cour, "je pars comme ça, je ne sais pas où je pars".

    Aujourd’hui, l’extérieur comme l’intérieur de cette résidence dépourvus d’électricité et d’eau malgré le dispositif n’est plus qu’un véritable champ de ruine. Seul son fils ainé, actuel ambassadeur itinérant à la Présidence de République "vient souvent".  "Ça fait 4 ans que Badjeka n’est pas venu ici" confie un riverain. Sa dernière apparition dans ces lieux, c’était pour "vider la maison" afin de sauver ce qui pouvait l’être encore après de multiples pillages. "Tout ce qui restait, Badjeka a pris avec un camion".

    Paul- Joël Kamtchang de retour de Mayo-Oulo

     

     

     

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